L’Info-droit
Le dépôt de garantie : une pratique illégale
En date du 12 août 2020, la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ) s’est prononcée en faveur de la légalisation de l’exigence du dépôt de garantie par les propriétaires envers leurs nouveaux locataires.[1] Malgré cette revendication, le gouvernement du Québec n’a pas tardé à rappeler en cette même journée que cette pratique est toujours illégale au Québec en vertu de l’article 1904 du Code civil du Québec (C.c.Q.).[2]
L’article 1904 du C.c.Q. stipule que le seul montant que les propriétaires sont en mesure d’exiger d’avance est celui correspondant à un mois de loyer maximum. Un propriétaire ne peut donc pas réclamer que le locataire mette à sa disposition un dépôt de garantie qui pourrait servir pour compenser tout dommage causé par le locataire par rapport au logement loué.[3] Selon l’état du droit actuel, tout propriétaire qui a exigé un dépôt de garantie peut être contraint de le rembourser par le Tribunal administratif du logement. Néanmoins, en Europe et ailleurs en Amérique, l’exigence de ce genre de dépôt est légale et sert entres autres aux propriétaires à se rembourser eux-mêmes pour la réparation de bris matériels occasionnés par les locataires ou par l’omission de ces derniers de payer leur loyer.[4] Le CORPIQ s’appuie sur cette comparaison pour exiger que les dépôts de garanties soient exigibles par les propriétaires québécois. L’organisation prétend qu’il s’agit d’une pratique légitime dans le cas où elle n’est pas imposée aux locataires, mais uniquement proposée à ceux-ci.
Toutefois, la position du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) est très claire à l’effet que les dépôt de garanties ne doivent sous aucun prétexte être légalisés au Québec (APEL appuie fermement cette position). L’organisme revendique qu’en raison du rapport de force entre locataires et propriétaires, cette procédure ouvrirait grande la porte aux abus de la part des propriétaires et affecterait grandement l’accès au logement.[5] Effectivement, cette procédure pourrait plutôt être utilisée par les locateurs comme une manoeuvre pour refuser des locataires moins nantis. En plus de favoriser la discrimination des locataires selon leur revenu, cela irait aussi à l’encontre du principe de l’insaisissabilité des revenus issus de l’aide financière de dernier recours (aide sociale). Enfin, une telle procédure rendrait non nécessaire une bonne partie des recours devant le TAL en recouvrement de loyer impayé. Conséquemment, cela rendrait possible et même encouragé le fait que les propriétaires se rendent justice eux-mêmes.[6]
Si votre propriétaire exige un dépôt de garantie de votre part, ou si vous avez déjà payé un dépôt de garantie, n’hésitez pas à contacter l’Association de promotion et d’éducation en logement pour obtenir de l’information quant aux recours qui s’offrent à vous.
[1] Michel SABA, “Dépôt de garantie légal : légal, disent les propriétaires”, La Presse, 12 août 2020, en ligne : https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2020-08-12/depot-de-garantie-legal-disent-des-proprietaires.php
[2] Code civil du Québec, c. CCQ-1991, art. 1904
[3] Axel FOURNIER & Antoine MORNEAU-SÉNÉCHAL, Le droit au logement – Manuel de formation, 4e éd., P.O.P.I.R. Comité logement, 2015, p. 7
[4] RÉGIE DU LOGEMENT, “Exiger un dépôt de garantie est illégal”, Gouvernement du Québec, 12 août 2020, en ligne : https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/exiger-un-depot-de-garantie-est-illegal/
[5] Michel SABA, “Dépôt de garantie légal : légal, disent les propriétaires”, La Presse, 12 août 2020, en ligne : https://www.lapresse.ca/affaires/economie/2020-08-12/depot-de-garantie-legal-disent-des-proprietaires.php
[6] “Dépliant dépôt de garantie”, RCLALQ, 2019, en ligne : https://rclalq.qc.ca/wp-content/uploads/2019/06/depliant-depot-de-garantie.pdf